Plus de 100.000 civils ont été évacués par la Thaïlande le long de sa frontière avec le Cambodge, théâtre d'affrontements meurtriers qui ont fait au moins 14 morts. Bangkok a annoncé vendredi ces chiffres dramatiques, à quelques heures d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU demandée par le Premier ministre cambodgien Hun Manet.
Le ministère thaïlandais de l'Intérieur a précisé que 100.672 civils provenant de quatre provinces frontalières avaient été transférés dans quelque 300 centres d'accueil. Le ministère de la Santé a confirmé que le nombre de morts causées par les frappes de l'artillerie cambodgienne était désormais passé à 14, dont 13 civils et un militaire.
Familles en fuite vers les temples
Dans la ville cambodgienne de Samraong, située à 20 kilomètres de la frontière, des journalistes de l'AFP ont entendu des tirs d'artillerie lointains vendredi matin. Ils ont également vu certaines familles avec des enfants et leurs affaires à l'arrière de leurs véhicules s'enfuir à toute vitesse.
« Je vis tout près de la frontière. Nous avons peur car ils ont recommencé à tirer vers six heures du matin », a déclaré à l'AFP Pro Bak, 41 ans, en emmenant sa femme et ses enfants dans un temple bouddhiste pour s'y réfugier. « Je ne sais pas quand nous pourrons rentrer chez nous », a-t-il ajouté.
Soldats mobilisés aux lance-roquettes
Les journalistes de l'AFP ont également observé des soldats se précipiter vers des lance-roquettes et partir à toute vitesse en direction de la frontière. Les affrontements, d'une rare intensité, ont éclaté jeudi à la frontière entre les deux pays, longue d'environ 800 kilomètres, avec des échanges de tirs, d'obus et de roquettes.
Les combats se concentrent autour de six endroits, selon l'armée thaïlandaise. Bangkok a déployé jeudi six avions F-16 pour frapper « deux cibles militaires cambodgiennes au sol », a déclaré le porte-parole adjoint des forces armées, Ritcha Suksuwanon.
Silence cambodgien sur les victimes
Le Cambodge n'a communiqué aucun bilan jusqu'à présent. La porte-parole du ministère khmer de la Défense Maly Socheata a refusé de répondre à une question sur d'éventuelles victimes lors d'une conférence de presse.
Selon les autorités thaïlandaises, huit civils ont été tués dans la province de Sisaket, au nord-est, où une attaque à la roquette a touché une supérette près d'une station-service. Un enfant de huit ans a perdu la vie dans la province de Surin, également au nord-est.
Hôpital touché par les obus
Des obus ont aussi touché un hôpital d'une trentaine de lits à Phanom Dong Rak, dans la province de Surin, près de la frontière, provoquant l'effondrement partiel du toit. Une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU est programmée vendredi à 15 heures (19 heures GMT).
Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, qui occupe la présidence tournante de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean) et s'est entretenu avec les deux pays, a appelé à la « retenue ». Bangkok et Phnom Penh sont engagés dans un bras-de-fer depuis la mort d'un soldat khmer fin mai, lors d'un échange nocturne de tirs dans une zone contestée de leur frontière commune surnommée le « Triangle d'émeraude ».
Frontière disputée depuis l'Indochine française
Les deux royaumes d'Asie du Sud-Est se déchirent de longue date sur le tracé de leur frontière commune, définie durant l'Indochine française. Cependant, des affrontements à ce niveau de violence n'avaient pas secoué la région depuis presque quinze ans.
L'épisode moderne le plus violent lié à la frontière remonte en effet à des affrontements autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui avaient fait au moins 28 morts et des dizaines de milliers de déplacés. À la demande du Premier ministre cambodgien Hun Manet, le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra une réunion en urgence et à huis clos vendredi à 15 heures (19 heures GMT) pour discuter des affrontements meurtriers, ont indiqué des sources diplomatiques à l'AFP.
Bangkok dénonce un Cambodge « avide de guerre »
Le porte-parole du gouvernement thaïlandais Jirayu Houngsub a condamné les actions du Cambodge « avide de guerre » en ciblant des civils. L'ambassade thaïlandaise au Cambodge a appelé ses concitoyens à quitter le pays « le plus tôt possible ».
Mercredi, Bangkok a rappelé son ambassadeur à Phnom Penh et expulsé de son territoire l'ambassadeur cambodgien, après qu'un soldat thaïlandais a perdu une jambe en marchant sur une mine à la frontière. Une enquęte de l'armée thaïlandaise a permis de déterminer que le Cambodge avait posé de nouvelles mines à la frontière, selon les autorités thaïlandaises.
Le Cambodge a rejeté ces accusations et indiqué que des zones frontalières restent infestées de mines actives datant de « guerres du passé ».
(AFP) Note : Cet article a été édité avec l'aide de l'Intelligence Artificielle.