Un an après les premières révélations, l'affaire de l'abbé Pierre s'aggrave avec douze nouvelles victimes de violences sexuelles identifiées, dont sept étaient mineures au moment des faits. Le cabinet spécialisé Égaé, mandaté par Emmaüs pour enquęter sur cette affaire, a reçu ces témoignages depuis janvier 2025.
Henri Grouès, décédé en 2007 et longtemps figure emblématique de la défense des démunis, fait désormais l'objet de 45 accusations de violences sexuelles. Ces nouvelles révélations portent le nombre total de victimes présumées à un niveau alarmant.
Témoignages accablants de mineures
Parmi les témoignages anonymisés publiés dans le rapport mis en ligne sur le site d'Emmaüs France, celui de deux sœurs révèle des faits particulièrement graves. L'une d'elles « a fait état d'une masturbation de l'abbé Pierre sur son sexe alors qu'elle venait d'avoir 11 ans », au milieu des années 70.
Sa sœur « lui a confié avoir subi une fellation forcée à ses 15 ans », ce qui constitue un viol selon la qualification juridique. Une autre victime a décrit dans un mail « au moins trois faits de violences sexuelles lorsqu'elle avait 10 ans » dans les années 1990.
Agressions dans un wagon
Une victime âgée de 17 ans à l'époque « a subi un contact entre ses cuisses, sous sa jupe » alors qu'elle voyageait en train dans le wagon de l'abbé Pierre en 1953. À son arrivée, les sœurs qui l'ont accueillie « lui ont dit qu'elle avait tout imaginé », rapporte le cabinet Égaé.
Ces témoignages illustrent un système de déni et de silence qui a permis la perpétuation de ces violences pendant des décennies. La parole des victimes était systématiquement remise en question ou niée.
Dispositif de réparation financière
Face à ces révélations, Emmaüs et la Conférence des évęques de France (CEF) ont « décidé conjointement la mise en place d'un dispositif de réparation financière ». Ce mécanisme vise à « marquer une reconnaissance matérielle des violences et des conséquences subies ».
Le dispositif sera porté par la commission reconnaissance et réparation (CRR), une instance créée par la CEF après les révélations de 2021 sur la pédocriminalité dans l'Église depuis les années 1950. Il sera opérationnel à compter de septembre 2025.
Responsabilité partagée entre institutions
Le financement sera assuré « entièrement par les fonds propres du mouvement Emmaüs et ceux de la CEF ». Le principe retenu est celui de la « responsabilité partagée », du moins à partir de 1954, date à laquelle l'abbé Pierre est associé tant à Emmaüs qu'à l'Église.
« Avant cette date, la CEF assumera seule cette charge », affirme l'hebdomadaire La Vie. L'autre instance de réparation mise en place par l'Église, l'Inirr, s'est engagée à « prendre en charge la réparation pour les trois victimes de l'abbé Pierre qui l'ont déjà contactée ».
Réparations jusqu'à 60.000 euros
La CRR et l'Inirr recueillent les témoignages de victimes et proposent une réparation financière pouvant aller jusqu'à 60.000 euros. Dans ce « travail de transparence », Emmaüs rappelle avoir créé une commission de recherche dont le rapport est attendu « début 2027 ».
« Désormais, une nouvelle phase s'ouvre, avec un dispositif complet au service des victimes », assure le communiqué d'Emmaüs. Cette démarche marque une reconnaissance officielle des préjudices subis par les victimes.
Conséquences pour les institutions
Ce scandale, qui a grossi au fil des trois rapports publiés en juillet 2024, septembre 2024 et janvier 2025, a eu des répercussions profondes. La Fondation Abbé Pierre, créée par le prętre avec des proches en 1987, a changé de nom le 25 janvier pour devenir la « Fondation pour le logement des défavorisés ».
Emmaüs France a fermé définitivement le lieu de mémoire dédié au prętre, à Esteville (Seine-Maritime). Des centaines de rues, places et bâtiments ont été débaptisés à travers la France.
Silence de la hiérarchie révélé
Côté Église de France, les archives ouvertes mi-septembre ont montré comment, dès les années 1950, la hiérarchie épiscopale avait gardé le silence sur un comportement jugé « problématique » mais jamais nommé. Selon un livre-enquęte paru en avril, le Vatican était au courant « dès l'automne 1955 » des agissements d'Henri Grouès.
Malgré les demandes de la CEF, aucune enquęte pénale ne sera ouverte pour établir des responsabilités dans ces multiples accusations. Le prętre étant décédé en 2007, et la non-dénonciation des faits étant couverte par la prescription, la justice ne pourra pas intervenir.
(AFP) Note : Cet article a été édité avec l'aide de l'Intelligence Artificielle.