En Chine, une nouvelle génération d'agriculteurs révolutionne la vie rurale en utilisant les réseaux sociaux pour vendre directement leurs produits aux consommateurs. Ces « néo-paysans » font la promotion de leur terroir et de leur métier grâce aux technologies numériques.
Dans la province du Shandong, considérée comme l'un des « greniers » du pays, Chen Xichuan presse une poire bien mûre devant la caméra de son téléphone fixé sur un trépied. « Regardez tout ce jus ! », lance-t-il aux spectateurs, le visage protégé du soleil par un chapeau de paille.
Succès phénoménal sur les réseaux
« Ramenez-la chez vous, goûtez-la, et préparez du jus frais pour vos enfants », ajoute ce cadre du Parti communiste de la petite ville de Pingdu. Sur Xiaohongshu, un réseau social chinois comparable à Instagram, le hashtag correspondant aux « néo-paysans » a été vu plus de 225 millions de fois.
Certains agriculteurs suivent męme des « camps pratiques de livestream » pour apprendre à attirer les clics grâce à la diffusion en direct de contenu vidéo sur internet. Dans une salle de classe, l'agricultrice Gao Chaorong montre à une douzaine d'élèves la meilleure façon de cuisiner une aubergine tranchée.
Formation intensive pour agriculteurs
« Quand vous vendez, il ne s'agit pas seulement de réciter un script », commente la formatrice Tian Dongying après la démonstration de Gao Chaorong. « Il faut comprendre à qui vous vous adressez ».
La concurrence est rude et « on ne peut plus se contenter de l'agriculture à l'ancienne », explique à l'AFP Gao Chaorong pour justifier sa participation au camp. Elle cultive blé, patates douces et cacahuètes au pied du mont Maling, et partage aujourd'hui des vidéos de ses récoltes sur les réseaux sociaux où elle cumule plus de 7.000 abonnés.
Risque d'invendus sans adaptation
Les agriculteurs qui n'adoptent pas ces nouvelles méthodes risquent, selon elle, de voir leurs récoltes invendues « pourrir dans les champs ». Tian Dongying, qui a fondé l'école de formation au livestream avec ses deux sœurs et une cousine, estime que tous ses élèves méritent « 20 sur 20 ».
« Ils n'avaient jamais fait ça, et le simple fait de prendre la parole est déjà un défi », explique-t-elle à l'AFP. « S'ils veulent gagner cet argent, ils doivent dépasser leurs propres limites ».
Explosion du nombre de créateurs
Selon Douyin, le nombre de créateurs liés à l'agriculture et au monde rural a bondi de 52% sur un an. Le livestream plaît aux agriculteurs car les utilisateurs peuvent y acheter directement les produits et poser des questions en direct aux vendeurs.
Chen Xichuan promet par exemple un remboursement si ses fruits arrivent abîmés. Il explique avoir été chargé par ses supérieurs d'aider les agriculteurs à vendre en ligne et suit lui-męme les cours de l'école de Tian Dongying pour perfectionner ses compétences en diffusion en direct.
Formation coûteuse mais prometteuse
« Il est devenu plus difficile de vendre, surtout hors ligne », confie-t-il à l'AFP. Les sœurs Tian, expertes en e-commerce et issues d'une famille d'agriculteurs, organisent chaque mois ce stage intensif, facturé environ 5.000 yuans (592 euros) pour quatre jours de formation, et promettent un suivi « à vie ».
Les élèves y apprennent à capter l'attention grâce à des scénarios, des accessoires et des décors soignés. Le secteur agricole prend de l'importance en Chine, alors que des industries comme l'immobilier « ne sont plus aussi prospères » et que le chômage augmente, souligne Tian Chunying, directrice de l'école et sœur aînée de Dongying.
Priorité politique de Xi Jinping
Le dirigeant chinois Xi Jinping a fait de la revitalisation rurale une priorité depuis son arrivée au pouvoir en 2012. « Un pays doit d'abord renforcer son agriculture avant de se renforcer lui-męme », avait-il déclaré en 2022.
Les outils numériques comme le livestream ont changé la perception de la vie rurale en Chine, explique Pan Wang, professeure associée d'études chinoises à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. « Traditionnellement, les agriculteurs chinois étaient perçus comme pauvres, déconnectés de la technologie, travaillant du lever au coucher du soleil », explique-t-elle à l'AFP.
Défis d'apprentissage pour les anciens
Les obstacles restent malgré tout nombreux pour les agriculteurs souhaitant se mettre à la page. « Le livestream et les vidéos, c'est tout nouveau », poursuit Gao Chaorong.
« Pour les jeunes, cliquer sur un ordinateur, c'est naturel, mais pour nous, il faut deux fois plus d'efforts pour apprendre ». Cette révolution numérique transforme progressivement l'agriculture chinoise et redonne ses lettres de noblesse au métier d'agriculteur.
(AFP) Note : Cet article a été édité avec l'aide de l'Intelligence Artificielle.