Une mission scientifique française a recensé plus de 3.000 fûts de déchets radioactifs dans l'océan Atlantique, dont certains sont éventrés. Aucune anomalie majeure de radioactivité n'a toutefois été constatée, ont annoncé les chercheurs vendredi.
« Il y a des fûts quasiment intacts et d'autres extręmement dégradés », a décrit Patrick Chardon, co-chef de la mission et ingénieur en métrologie nucléaire au CNRS et à l'Université de Clermont Auvergne. L'expédition baptisée « Nodssum » a regagné Brest après un mois de campagne en mer à bord du navire L'Atalante.
Plus de 200.000 fûts immergés
Entre 1946 et 1993, plus de 200.000 fûts remplis de déchets radioactifs ont été abandonnés dans la plaine abyssale de l'océan Atlantique Nord-Est. Ces déchets reposent dans les eaux internationales, à plus de 4.000 mètres de profondeur.
L'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse ont participé à ces immersions. « On ne sait pas du tout ce qu'il y avait dedans. Il n'y avait pas de traçabilité à l'époque », souligne Patrick Chardon.
Déchets à faible activité
Il s'agirait à priori de déchets à faible activité, comme des déchets de laboratoires, des boues de traitement ou des tuyaux contaminés. L'espace laissé vide dans les fûts était comblé par du ciment ou du bitume.
Seuls l'ex-URSS et les États-Unis ont immergé d'autres types de déchets radioactifs, comme des cuves de réacteurs nucléaires contenant, pour certaines, du combustible nucléaire, selon l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). La convention de Londres de 1993 a interdit ces immersions de déchets radioactifs en mer.
Zone d'étude précise
La mission « Nodssum », qui réunissait 21 scientifiques venus de France, d'Allemagne, du Canada ou de Norvège, s'est concentrée sur une zone précise. Cette zone est située à 1.000 kilomètres au sud-ouest de Brest et à 650 kilomètres au nord-ouest de La Corogne en Espagne.
Plus de 150.000 fûts ont été immergés à 4.700 mètres de fond entre 1971 et 1982. Les chercheurs ont pu scruter la zone grâce au sonar à très haute résolution du submersible autonome Ulyx de l'Ifremer, qui a réalisé à cette occasion sa première mission scientifique.
20 fûts par kilomètre carré
En 17 plongées, Ulyx a ainsi pu prendre 50 fûts en photo et cartographier 3.350 fûts sur 163 kilomètres carrés. Cela représente une densité de 20 fûts par kilomètre carré.
Les outils de mesure de radioprotection ont fait état de valeurs du męme niveau que le bruit de fond environnemental. « C'est plutôt rassurant », a reconnu Patrick Chardon, tout en précisant : « Mais on ne s'attendait pas à constater de radioactivité très conséquente, vu les distances auxquelles on a opéré. »
Échantillons prélevés pour analyse
Les scientifiques ont prélevé plus de 300 échantillons de sédiments dans la vase à 150 mètres des fûts. Ils ont capturé 17 grenadiers, des poissons vivant dans les abysses, et remonté 5.000 litres d'eau.
Tous ces prélèvements vont faire l'objet de mesures très fines en laboratoire dans les prochains mois pour évaluer leur contamination éventuelle par des éléments radioactifs. Une seconde mission doit en outre ętre organisée d'ici un ou deux ans pour s'approcher au plus près des fûts et y prélever les organismes marins qui les peuplent, notamment des anémones.
Pas de remontée prévue
À terme, l'objectif n'est pas de remonter ces fûts radioactifs, une solution « technologiquement possible mais au coût absolument monstrueux », explique Patrick Chardon. En fonction des résultats, « on va pouvoir estimer s'il faut faire une évaluation plus rapprochée à l'avenir » de ces décharges nucléaires en mer.
« L'idée au départ, c'était de faire une évaluation tous les 25 ans. Ça n'a jamais été fait depuis », souligne le chercheur. La mission « Nodssum » était en effet la première de ce type depuis les campagnes menées dans les années 80 par le CEA et l'Ifremer sur la męme zone d'immersion.
(AFP/Paris) Note : Cet article a été édité avec l'aide de l'Intelligence Artificielle.