Un nouveau Livre blanc remis jeudi au président sénégalais dénonce que le massacre de tirailleurs africains par l'armée française en 1944 a été "prémédité" et "camouflé", selon une copie obtenue en exclusivité par l'AFP. Le rapport officiel estime que le bilan du massacre de Thiaroye est largement sous-estimé et révèle de nouveaux éléments troublants.
Le 1er décembre 1944, des troupes coloniales et des gendarmes français avaient tiré sur des tirailleurs rapatriés au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar. Ces soldats originaires du Sénégal, de Côte d'Ivoire, de Guinée et de Haute-Volta réclamaient le paiement d'arriérés de soldes après avoir combattu pour la France en Europe durant la Seconde Guerre mondiale.
Opération coordonnée selon les chercheurs
La tuerie "devait convaincre que l'ordre colonial ne pouvait ętre écorné par les effets émancipateurs de la (Seconde) guerre" mondiale sur les colonisés, affirme le comité de chercheurs auteurs du Livre blanc. L'opération aurait été "préméditée, minutieusement programmée et exécutée (...) dans des actions coordonnées".
"Dans les jours qui ont suivi le massacre, les autorités françaises ont tout fait pour (le) camoufler, elles ont modifié les registres de départ de Morlaix (port de départ en France) et d'arrivée à Dakar, le nombre de soldats présents à Thiaroye, les causes du rassemblement des tirailleurs...", affirme le rapport. Les autorités coloniales avaient officiellement comptabilisé au moins 35 morts.
Bilan revu drastiquement à la hausse
Les chercheurs estiment que les "estimations les plus crédibles avancent les chiffres de 300 à 400" morts, soit près de dix fois plus que le bilan officiel. Des fouilles archéologiques sans précédent ordonnées par l'État sénégalais depuis mai ont mis au jour des squelettes humains avec des balles dans le corps dans le cimetière de Thiaroye.
Certains squelettes présentent des "insignes militaires" et "portent des traces de violences faites avec différentes armes", ont précisé les chercheurs lors d'une conférence de presse vendredi à Dakar. Le comité avait été mis en place en avril 2024 par les autorités sénégalaises qui se réclament du souverainisme.
Contexte historique des tirailleurs
Les quelque 1 300 tirailleurs rassemblés au camp de Thiaroye étaient d'ex-prisonniers de guerre allemands ayant participé aux combats de 1940. Ils avaient embarqué en France début novembre 1944 pour ętre renvoyés à Dakar et se révoltèrent contre le retard du paiement de leurs arriérés de soldes.
L'historien sénégalais Mamadou Diouf, président du comité, dénonce "une entreprise délibérée française de la dissimulation, de la manipulation de l'information et surtout du refus de raconter l'Histoire". Il souligne que les tirailleurs se battaient "pour leur dignité", "pour qu'on les respecte et qu'on les traite comme les soldats français".
Réaction française mesurée
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a indiqué vendredi que les autorités françaises allaient "prendre connaissance de ce rapport". "Nous nous tenons pręts à coopérer avec le Sénégal (...) pour que les travaux de recherche puissent éclairer ce qui s'est passé ce jour-là", a-t-il déclaré depuis Lagos.
"La France ne détourne pas les yeux de sa propre histoire et a engagé avec le Sénégal, mais aussi avec un certain nombre d'autres pays africains, un travail de mémoire", a-t-il poursuivi. Les chercheurs regrettent toutefois que certains dossiers d'archives ne soient "toujours pas accessibles".
Sources utilisées : "AFP" Note : Cet article a été édité avec l'aide de l'Intelligence Artificielle.