Quatre responsables du magazine satirique turc Leman ont été placés en détention mercredi, accusés d'avoir publié une caricature du prophète Mahomet. Les quatre hommes nient catégoriquement tout lien entre leur dessin et le prophète de l'islam.
Le directeur du contrôle de gestion Ali Yavuz, le graphiste Cebrail Okçu, l'auteur du dessin Dogan Pehlevan et le directeur de la rédaction Zafer Aknar avaient été interpellés lundi soir. Leur arrestation a déclenché une série d'incidents violents à Istanbul.
Mandat d'arręt international émis
« Quatre suspects, interpellés dans le cadre de l'enquęte ouverte par le parquet d'Istanbul concernant le dessin irrespectueux du prophète Mahomet, ont été placés en détention », a annoncé sur X le ministre de la Justice Yilmaz Tunç. Un mandat d'arręt a également été émis contre deux suspects se trouvant à l'étranger.
La publication du dessin controversé le 25 juin puis l'interpellation des membres de Leman, magazine satirique d'opposition, ont donné lieu à des heurts lundi soir à Istanbul. Environ 300 personnes se sont affrontées dans le quartier d'Istiklal.
Le dessinateur se défend
Selon le site d'information T24, le dessinateur Dogan Pehlevan a affirmé vouloir « parler de paix dans ce dessin » et dénoncé les agissements de « provocateurs ». « Je dessine en Turquie depuis de nombreuses années. La première règle que l'on apprend est de ne pas aborder les questions religieuses », a-t-il déclaré.
Le dessin en question montre deux personnages se rencontrant au ciel au-dessus d'une ville écrasée sous les bombes, l'un appelé Mohammed l'autre Musa (Moïse). « J'ai juste voulu souligner l'absurdité de la guerre », a insisté Pehlevan.
Erdogan dénonce une provocation
Lundi soir, le bar favori des employés de la revue Leman a été attaqué dans le quartier d'Istiklal. L'incident a dégénéré en bataille rangée avec les défenseurs de Leman, rendus furieux par les arrestations.
Mardi, le président Recep Tayyip Erdogan a fustigé une « provocation infâme » et un « crime de haine ». Il a affirmé que les auteurs devront rendre compte pour « avoir manqué de respect au prophète ».
Manifestations et menaces
Malgré une interdiction de rassemblement, environ 300 personnes se sont retrouvées autour de la mosquée de Taksim, au centre d'Istanbul. Les manifestants ont crié « Leman, salauds, n'oublie pas Charlie Hebdo », référence explicite aux attentats jihadistes contre l'hebdomadaire satirique français de janvier 2015.
Joint par l'Agence France-Presse (AFP), le rédacteur en chef de Leman, Tuncay Akgun, a affirmé que le dessin « n'a rien à voir avec le prophète Mahomet ». « Le personnage est un musulman tué à Gaza. Il a été appelé Mohammed comme plus de 200 millions de personnes dans le monde musulman », a-t-il défendu.
Inquiétudes pour la liberté de presse
Dans une déclaration commune, le Syndicat de la presse (TGS) et les organisations professionnelles disent observer « avec une grande inquiétude la récente augmentation des attaques et des discours violents ». Ils dénoncent les menaces liées à la publication de cette caricature.
Reporters sans frontières (RSF), le réseau international Cartooning for Peace et l'association américaine Cartoonist Rights ont déploré « une nouvelle attaque contre la liberté de la presse en Turquie ». Ces organisations appellent les autorités turques à « garantir la sécurité de l'ensemble de la rédaction menacée ».
Parallèle avec le massacre de Sivas
Terry Anderson, de Cartoonists Rights, a dénoncé un « mensonge » exploité « par des opportunistes politiques à des fins d'intimidation et de répression ». De nombreux Turcs établissent un parallèle troublant avec des événements passés.
Les organisations de presse dressaient mercredi un parallèle entre l'attaque contre Leman et le massacre de Sivas du 2 juillet 1993. Ce jour-là, 33 personnes, artistes et intellectuels alévis, avaient été brûlées vives dans leur hôtel par des islamistes radicaux.
(AFP) Note : Cet article a été édité avec l'aide de l'Intelligence Artificielle.