Le service militaire obligatoire qui entrera en vigueur au Cambodge à partir de 2026 divise profondément la jeunesse du pays. Cette mesure intervient dans un contexte de tensions croissantes à la frontière avec la Thaïlande.
« On pourra devenir des réservistes, pręts à aider si l'armée manque de bras », s'enthousiasme Ray Kimhak, un étudiant en design graphique de 21 ans. Son beau-frère, soldat stationné près de la frontière thaïlandaise, lui a raconté les difficultés de dormir dans la jungle sous la pluie, mais cela ne le décourage nullement.
Une loi oubliée ressurgit
« Nous sommes pręts à protéger notre territoire, parce que si on le perd, on ne pourra jamais le récupérer », insiste le jeune homme depuis son université de la capitale Phnom Penh. Le Premier ministre Hun Manet a annoncé mi-juillet l'application dès l'année prochaine de la loi votée en 2006 sur la conscription des Cambodgiens âgés de 18 à 30 ans.
Oubliée pendant presque deux décennies, cette législation est redevenue d'actualité depuis que le Cambodge s'est engagé dans un bras de fer avec la Thaïlande. Le différend porte sur le tracé de dizaines de kilomètres de leur frontière commune et a atteint un niveau d'intensité rarement vu après la mort fin mai d'un soldat khmer lors d'un échange de tirs.
Vingt-quatre mois de service
Hun Manet a proposé de fixer la durée du service militaire à 24 mois, sans préciser le nombre de personnes concernées par la première vague d'appel. La conscription permettra de remplacer les soldats qui partent à la retraite dans une armée qui compte actuellement environ 200.000 personnes.
Le Cambodge est l'un des pays les plus jeunes d'Asie, où près d'un tiers de la population a entre 10 et 24 ans. Cette génération n'a pas connu les campagnes de recrutement sous les Khmers rouges qui pouvaient inclure les enfants.
Soutien malgré les réticences
Un vendeur de 64 ans du village de Sampov Lun, proche de la frontière thaïlandaise, a vécu l'expérience du service militaire « forcé » sous Pol Pot. « Être un soldat n'est pas facile, mais je soutiens le plan du gouvernement au vu de la dispute à la frontière », explique cet homme qui a marché deux fois sur une mine.
Beaucoup de jeunes interrogés par l'AFP ont exprimé leur soutien au projet gouvernemental. « Je suis peu réticent parce que je n'ai jamais imaginé que j'allais faire mon service militaire », explique Oeng Sirayuth, un étudiant en informatique de 18 ans qui espère pouvoir retarder l'appel sous les drapeaux le temps d'obtenir son diplôme.
Budget militaire en hausse
Hun Manet prévoit également d'augmenter le budget consacré à la défense, estimé à environ 740 millions de dollars en 2025. Ce poste représente déjà la dépense publique la plus importante du pays.
« On doit faire quelque chose pour protéger notre nation », abonde Leakhena, 23 ans, vendeuse chez un fournisseur d'internet. Le service militaire pourrait lui permettre d'apprendre des techniques d'auto-défense, fait-elle remarquer. Dans la nouvelle législation, les femmes auront la possibilité d'opter pour du volontariat plutôt que le service militaire.
Réformes nécessaires selon les experts
Pour l'analyste politique Ou Virak, l'armée cambodgienne « a besoin de réformes systémique et structurelle » qui vont au-delà du service militaire. « L'entraînement militaire, la chaîne de commande et la discipline militaire constituent autant de sujets qui doivent ętre abordés », insiste-t-il.
La conscription ne sera acceptée que si les militaires parviennent à gagner la confiance de la population, selon l'expert. D'autres jeunes ont pressé le gouvernement de retarder le projet au regard de la situation économique, toujours fragile après la pandémie.
Inquiétudes économiques et sociales
« On est en plein développement, si on fait appliquer la loi bientôt, l'économie pourrait avoir quelques problèmes », assure un étudiant des beaux-arts de 20 ans qui n'a pas souhaité donner son nom. Les plus défavorisés craignent d'ętre les premiers à devoir accomplir leur devoir militaire.
« Ma famille est pauvre. Si on m'appelle, je crains que ma famille aura des problèmes d'argent », estime Voeun Dara, un chauffeur de tuk-tuk de 25 ans. « C'est inquiétant », ajoute-t-il. Ceux qui refusent le service militaire pendant que le pays est en guerre, sans raison valide, risquent jusqu'à trois ans de prison, contre un an lorsque le pays n'est pas en guerre.
(AFP) Note : Cet article a été édité avec l'aide de l'Intelligence Artificielle.